La seconde vie du Général Gudin, mort et enterré en Russie

L’archéologie est une mine d’or qui permet de percer des secrets enfouis. En juillet 2019, une équipe franco-russe d’archéologues retrouve la dépouille du Général Gudin de la Sablonnière, mort en 1812 lors de la campagne de Russie. C’est la première fois que la sépulture d’un officier de ce rang tué au combat est identifiée. Cette découverte inestimable, qui a nécessité d’importants moyens, met fin à un mystère de plus de 200 ans.

Il était le seul à tutoyer l’Empereur sur le champ de bataille
Ami du futur Bonaparte depuis le pensionnat de Brienne, Charles César Etienne Gudin le suivit dans plusieurs campagnes militaires et fut promu Grand Aigle (Grand Croix) de la Légion d’Honneur.
Mais le 19 août 1812, alors que la Grande Armée s’enfonce à marche forcée dans le territoire russe, le Général Gudin est blessé lors de la bataille de Valentino-Gora, près de Smolensk, à 400 kilomètres à l’ouest de Moscou. Il est atteint par un boulet alors qu’il descend de cheval et le médecin personnel de Napoléon doit l’amputer d’une jambe, en présence de l’Empereur. Il meurt de la gangrène trois jours plus tard.

Il meurt dans les bras de l’Empereur qui pleure sa mort
Napoléon, très affecté, envoie à sa veuve un don de plusieurs milliers de francs, la plus grosse dotation de toute l’histoire du l’Empire. Celui qu’il considérait comme l’un de ses hommes les plus intrépides, est enterré dans un mausolée formé par plusieurs fûts de canon dressés vers le ciel. Son cœur est rapatrié en France au Père-Lachaise et placé dans une urne, qui aurait été vandalisée : du Général Gudin il ne reste aujourd’hui qu’un buste dans la Galerie des Batailles du Château de Versailles et un nom gravé sur le côté Est de l’Arc de Triomphe.

Une véritable entreprise pour retrouver son corps
Les fouilles coûtent cher et il faut un mécène pour les financer. C’est le milliardaire russe Andrei Kozitsyn, qui va apporter les premiers fonds, rejoint par quelques donateurs français. Plusieurs pistes sont explorées, qui se révèlent autant d’impasses.
Un témoignage du comte de Ségur, qui avait assisté aux funérailles, précise que la tombe se trouvait « au sein de la citadelle de Smolensk, à droite de l’entrée ». De nouvelles fouilles sont entreprises et le 1er juillet 2019, sous une ancienne piste de danse, dans un parc, les archéologues trouvent les débris d’un cercueil en bois.

Le squelette n’a qu’une jambe
Six dépressions rondes autour de la tombe marquent les emplacements des canons du mausolée. L’expertise des ossements faite à Moscou confirme que « la dépouille est celle d’un homme âgé de 40 à 45 ans, à qui il manque un fragment du tibia de la jambe gauche ». Il ne manque plus qu’un test ADN pour être sûr à 100%.
Pour accélérer les choses, l’un des archéologues rapporte à Paris les dents et un fémur du Général dans son sac de voyage. On exhume le corps du frère du Général et grâce à l’ADN nucléaire, l’identité du Général Gudin est confirmée.

Emmanuel Macron et Vladimir Poutine au chevet de l’Empire.
L’enjeu est autant diplomatique qu’historique : Vladimir Poutine a facilité les recherches et Emmanuel Macron a accéléré les expertises en France et l’exhumation.
Pour les descendants du Général, « Napoléon était un ennemi de la Russie mais les Russes ont pour lui un très grand respect. C’est pourquoi ils sont prêts à nous rendre l’un de ses proches, un ennemi d’autrefois ». Ils espèrent maintenant un hommage national, une inhumation aux Invalides, en présence des deux présidents afin que le Général Charles César Etienne Gudin jouisse d’un repos éternel en France.

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