La trépidante vie posthume de nos chers disparus

Que vous croyiez ou pas dans la résurrection, une chose est bien certaine : certains morts se remettent au travail et poursuivent leur carrière dans l’au-delà. Mais l’immortalité est un privilège réservé aux morts célèbres : pour eux le repos éternel n’est plus ce qu’il était et les « working dead » occupent toujours le haut de l’affiche.

Les morts se mêlent aux vivants à travers leurs œuvres posthumes
Le rapport qui se crée avec un artiste disparu prend une nouvelle dimension, celle de l’émotion. Certaines chansons deviennent des « standards » indémodables, autant de liens indéfectibles qui les unissent à leurs fans. A cela s’ajoutent les reprises par les autres chanteurs, les biopics au cinéma, qui alimentent la relation …
Maria Callas s’est produite à Athènes en novembre. Enfin, son hologramme, qui ensuite est parti pour une tournée mondiale triomphale, où elle croisera ceux de Whitney Houston et Amy Winehouse. En France, le droit à l’image s’éteignant avec l’individu, il est possible, quelles que soient les limites éthiques que l’on s’impose, de redonner vie librement à un défunt.

Johnny toujours sur le devant de la scène
Disparu en 2017, le rocker préféré des français est le leader de ces défunts aux carrières post mortem trépidantes. Sorti en 2018, son premier album posthume « mon pays c’est l’amour » a connu un succès qu’il n’aurait pas rencontré de son vivant (1,7 millions exemplaires vendus après six mois). Les fans adorent.
Second album posthume en octobre 2019 : pas de chansons inédites mais des versions réalisées avec le London Symphony Orchestra et les chœurs des London Voices à partir d’enregistrements qui n’avaient pas été utilisés. Nouveau succès public. Et pendant ce temps, les anciens albums et nouvelles compilations continuent à se vendre.

Françoise Sagan, Raymond Radiguet, Franz Kafka, destins divers …
Trois écrivains, trois aventures post mortem.
Un nouveau Sagan, « les quatre coins du cœur » est sorti cette année, quinze ans après sa disparition. Retrouvé de façon inopinée, sa publication s’est imposée comme une évidence quasi mystique pour son fils, Denis Westhoff, qui a opéré sur le roman jadis inachevé une délicate chirurgie réparatrice.
Raymond Radiguet meurt en 1923 avant d’avoir pu achever « le bal du conte d’Orgel ». Son ami et admirateur, Jean Cocteau, reprend le livre, le remanie, en complète l’écriture en prenant bien soin de s’oublier pour mieux se glisser dans la peau de l’écrivain disparu. Il parait en 1924, c’est un chef d’œuvre.
Kafka avait cru régler le problème en ordonnant qu’on brulât ses écrits après sa mort. Mais il ne fût pas obéi, heureusement.

Post post mortem
D’après un savant calcul effectué par le statisticien Hachel Saddiki, il y aura plus de morts que de vivants sur Facebook … en 2098. Si certains comptes finissent à l’abandon, d’autres continuent à vivre, alimentés par leurs proches qui les transforment en mémoriaux numériques.
Une société propose d’adresser des messages post-mortem à vos proches à des dates préalablement définies. C’est la dernière tendance, une « résurrection numérique », combinaison d’intelligence artificielle et de réalité virtuelle qui fait réapparaître les défunts sous forme d’artefacts. Même si continuer à héberger la vie numérique des défunts sur des serveurs laisse une empreinte écologiquement négative.

Avant de se suicider, l’acteur Robin Williams a interdit que son image soit utilisée dans  des spots publicitaires ou des films jusqu’en 2039. Doit-on comme lui prendre ses dispositions testamentaires pour son avenir post mortem ?

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