Les roses et le cercueil

L’enterrement d’Yves Saint-Laurent était exceptionnel. Connaissant son goût pour les fleurs, sa famille et ses amis ont drapé l’église Saint Roch d’un parterre de fleurs blanches. Il est bien révolu le temps des couronnes et des chrysanthèmes, répondant à des codes très précis. Quand on apprenait le métier il y a trente ans, on apprenait l’art floral lié au deuil. Pendant très longtemps les fleurs étaient piquées une par une sur clous dans la paille, c’était raide et il fallait une demi-journée pour faire une couronne ».

Aujourd’hui, les compositions sont plus faciles en piquant les fleurs dans de la mousse hydrophile. On les travaille de façon beaucoup plus naturelle comme si on les avait cueilles dans son jardin et mises dans un vase pour qu’elles enrichissent l’environnement par leurs couleurs, leurs parfums, leur fraîcheur. Brigitte Guillon décrit son style comme, « très anglais, très jardin, avec des feuillages, toujours monochrome, avec des fleurs différentes mais dans la même tonalité ». La dimension végétale des fleurs « casse » la solennité et la sobriété des lieux de culte.

Fleurir l’église c’est une façon d’exprimer son affection, de laisser une trace et de marquer sa proximité avec le défunt, mais aussi de remercier les personnes qui se sont déplacées. Le fleuriste, lui, écoute, conseille avec douceur et propose car il sait que les fleurs peuvent exprimer beaucoup. Pour Patrick Veyrat « il n’existe pas de fleur spécialement dédiée, on va suivre les goûts du défunt, cela dépend de sa personnalité, les couleurs qu’il affectionne ». Julien Moulié se souvient d’avoir habillé les grilles de Saint-Germain des Près, l’encadrement de la porte d’entrée et les poteaux jusqu’à 3,50 mètres de haut, ou bien d’avoir recréé une forêt dans l’église Saint-Sulpice pour un passionné de chasse : 3 camions d’érables du Japon, le sol tapissé de bruyères …

L’enterrement d’un fleuriste exceptionnel, Pierre DECLERCQ, raconté par trois des plus grands  fleuristes parisiens : « cétait un bon vivant adoré par tous, avec une vitalité hors du commun. Il était enthousiaste et créait des décors très généreux. Quand il est mort brutalement, en 2002, tout le monde était très malheureux, tous ses copains fleuristes ont acheté des fleurs et des fleurs et se sont retrouvés chez Moulié parce qu’il y avait de la place. Le magasin a été fermé plus tôt ce jour-là et vidé. Il y avait une caisse de Champagne et tout le monde est venu faire sa pièce à sa manière, en se passant les fleurs. Il y avait un excès de fleurs et chaque fleuriste a fait un bouquet magnifique pour Pierre, bien dans son style. La cérémonie était très belle et très émouvante ».

Les fleuristes étaient heureux de participer et de témoigner en rendant hommage à leur confrère et ami. Car même si le deuil est douloureux, les fleurs nous offrent de partager un petit coin de paradis.

Merci à ces artistes passionnés qui ont nourri cet article : Brigitte Guillon (GUILLON FLEURS), Patrick Veyrat (RENE VEYRAT) et Julien Moulié (MOULIE)

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