Le plus grand événement parisien de tous les temps est un enterrement

Victor Hugo meurt chez lui, paisiblement, dans l’avenue qui, déjà de son vivant, porte son nom. Et c’est comme si toute la vie, en un instant, s’était arrêtée. La foule, qui suivait depuis plusieurs jours l’évolution de sa santé, est déjà massée en bas de chez lui. Sénateurs et députés décident immédiatement que ses obsèques seront nationales.
L’émoi est immense. En Italie, la Chambre des Députés s’interrompt, on y déclare : « la mort de Victor Hugo est un deuil, non seulement pour la France, mais encore pour le monde civilisé ».

Le samedi 30 mai, le corps de celui qui fut tout à la fois un poète-romancier-dramaturge et une figure tutélaire de la République, est déposé dans un immense sarcophage noir et argent sur lequel sont inscrits les titres de ses œuvres. Ce cercueil monumental est exposé toute la nuit sous l’Arc de Triomphe en berne d’un grand voile noir, transformé en mausolée.

Toute la journée et toute la nuit, la foule se presse pour lui rendre hommage. C’est le peuple de Paris qui s’incarne dans cette cérémonie improvisée du recueillement et du chagrin. Des cuirassiers à cheval veillent le catafalque immense surmonté des initiales VH. C’est Charles Garnier qui règle l’ordonnancement des cérémonies et va scénariser l’événement comme une tragédie que l’écrivain n’aurait pas reniée. Selon ses dernières volontés « Je donne 50 000 francs aux pauvres, je désire être porté au cimetière dans leur corbillard », c’est dans une banale voiture, noire, sans décor, tirée par deux chevaux et simplement ornée de deux couronnes de roses blanches au nom de ses petits-enfants qu’il rejoint le Panthéon.

Le dimanche 1er juin à 11 heures, 21 coups de canon sont tirés. 2 millions de Parisiens se massent sur son parcours,  2 000 délégations des provinces de France et d’ailleurs ont fait le déplacement. Le cortège rassemble tellement de monde qu’il s’étend sur plusieurs kilomètres et mettra plusieurs heures pour rejoindre le Panthéon. Devenu Sainte-Geneviève, simple église de quartier, le Panthéon retrouve là sa vocation civile et sa fonction première. Il redevient avec Victor Hugo le monument que nous connaissons aujourd’hui, désormais « dédié au repos des Grands Hommes qui honorent la patrie ». Victor Hugo, qui n’était pas baptisé et avait dans son testament « refusé l’oraison de toutes les églises », délivre l’acte de baptême de la IIIème République naissante qui marque l’avènement de la laïcité en France.

Victor Hugo est le premier écrivain à recevoir cet honneur posthume. Après lui seul quatre autres (Maurice Barrès en 1923, Paul Valéry en 1945, Colette en 1954 et Aimée Césaire en 2008) auront les honneurs des obsèques nationales. Aucun événement n’attirera autant de monde, même après la victoire de la France dans la Coupe du Monde de Football 1998, ils n’étaient « que » 1,5 million. En 1907, l’hôtel particulier où il est mort est détruit et remplacé par un immeuble haussmannien. Sur sa façade, le visage du poète orne désormais le porche.

Pour en savoir plus, vous pouvez regarder ce court documentaire (7 minutes) sur le site de l’INA

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