La panthéonisation

« Entre ici Jean Moulin avec son terrible cortège … ».
Le 19 décembre 1964, André Malraux, alors Ministre de la Culture, prononce l’éloge funèbre de Jean Moulin à l’occasion de sa panthéonisation. Cet événement est hautement symbolique de ce que peut être un grand homme, celui qui a des vertus civiles et civiques. Une distinction née avec la Révolution française et son « désir de saluer ce qui constituait quelque chose comme le sacré de la nation », toujours selon Jean-Noël Jeanneney.

Mirabeau, premier inhumé, premier expulsé
Il est le premier à faire son entrée au Panthéon, le jour même où paraît le décret vouant l’église Sainte-Geneviève au culte des « grands hommes ». Trois ans plus tard, il est expulsé, accusé post-mortem d’avoir joué un double jeu après la découverte de sa correspondance avec le Roi. Marat, assassiné dans sa baignoire par Charlotte Corday, récupère la place avant d’en être éjecté à son tour par les nouveaux hommes forts de la Révolution.

Le Président décide seul
Sous la IVème République, ce sont les parlementaires qui proposent, mais sous la Vème la panthéonisation devient une prérogative présidentielle. Le Panthéon est le lieu vivant de la mémoire nationale, l’église œcuménique de la Nation. Le choix du Président est ainsi guidé par les valeurs politiques et morales dont il est porteur et l’idée qu’il se fait de la mémoire nationale. Les personnalités choisies doivent donc faire consensus. « Les vies ordinaires deviennent exemplaires » comme les définissait François Hollande.

Simone Veil, « grand homme » et grande femme
Si la panthéonisation est un rite mémoriel connecté aux désirs de la France d’aujourd’hui, le choix de Simone Veil illustre à la fois son courage d’ancienne déportée, ses engagements pro-européens et son combat pour dépénaliser l’avortement. Son engagement pour l’égalité entre les hommes et les femmes trouve là son couronnement même si reste gravé cette phrase sur le fronton du bâtiment : « aux grands hommes, la patrie reconnaissante ».

225 places libres sur 300
Seules 75 places de la crypte sont occupées. Et la plupart par de grands inconnus tombés dans les oubliettes de l’histoire de France.
Au contraire, la plupart des grandes figures historiques sont absentes. Les rois de France font bande à part et reposent dans la basilique Saint-Denis. Napoléon est aux Invalides, le soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe … Quant au Général de Gaulle, qui pressentait de son vivant qu’un jour ce pourrait être son tour, il a décrété qu’il ne voulait « sous aucun prétexte », finir dans « ce nid à poussière sans air et sans lumière ».

Pas de procédure réglementaire
La cérémonie de Jean Moulin a servi d’exemple aux suivantes. Mais la panthéonisation est d’abord une cérémonie funéraire qui impose une exhumation nécessitant l’autorisation de la famille du défunt. En cas de refus, une simple plaque est apposée.
Les Français se sont massivement associés aux dernières cérémonies, une forme de rituel mémoriel, un moment d’unité nécessaire à toute société.

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