Un rêve de marbre blanc pour dernière demeure

« Une larme sur la joue du temps » a dit de lui Rabindranath Tagore, l’un des plus célèbres poètes indiens. Ce n’est pas un cimetière, mais un mausolée, érigé par l’empereur moghol Shah Jahan à la mémoire de son épouse Muntal.
Nous vous emmenons ce mois-ci découvrir le Taj Mahal, le plus grand joyau architectural de l’art indo-islamique, symbole de l’amour éternel et troisième étape de notre tour du monde des cimetières les plus connus.

Le Taj Mahal  a été construit entre 1632 et 1653 sur la rive droite de la rivière Yamuna, au cœur d’un immense jardin moghol de 17 hectares, près d’Agra dans l’état de l’Uttar Pradesh. Sa beauté architecturale repose sur une savante combinaison où alternent les pleins et les vides, les éléments concaves et convexes, l’ombre et la lumière.
Les verts polychromes éclatants des jardins, les allées aux teintes rougeâtres, le ciel d’un bleu lumineux et les sculptures en marbre incrustées de pierres précieuses ajoutent une palette de couleurs aux teintes changeantes que prend le monument. 20 000 parmi les meilleurs artisans venus de tout l’empire ainsi que d’Asie centrale et d’Iran ont été réquisitionnés pour bâtir l’un des plus beaux sites touristiques au monde.

Le génie de l’architecte fut de placer la tombe, non pas au milieu, mais à une extrémité du jardin, accentuant encore les effets de profondeur et de perspective. Sa composition est un modèle d’équilibre avec la chambre funéraire octogonale au centre, flanquée de quatre salles à chaque angle.
Le tombeau lui-même trône sur une plateforme surélevée délimitée par des minarets, ajoutant une dimension jusqu’alors inconnue dans l’architecture moghole. Les nuances des pierres utilisées confèrent une apparence quasi réelle aux motifs floraux et végétaux, incrustés de pierres précieuses.

Le Taj Mahal c’est aussi un ensemble de bâtiments et jardins déployés sur un rectangle de 561,20 par 300,84 mètres. Les quatre jardins occupent chacun un carré parfait de 296,31 mètres de côté. Ils sont traversés par quatre canaux en croix pourvus de jets d’eau et de fontaines (le mausolée s’y reflète lorsque les fontaines ne coulent pas) et d’un bassin central au centre.
Chaque enceinte, ouest, sud et est, encadre un pavillon monumental en grès rouge incrusté de mosaïques géométriques en marbre blanc. Cette composition s’inspire de la disposition traditionnelle des mosquées persanes.

Mais le Taj Mahal perd de son éclat, il jaunit sous les effets conjugués des fumées industrielles, des voitures, de la poussière et des brûlis.
Depuis 2015, il est l’objet d’une cure de jouvence à base de masques de boue d’argile très douce appliqués à la surface pour déloger les saletés du marbre, petit carré par petit carré. Seul le dôme n’a pas été nettoyé, qui nécessiterait un échafaudage le plus léger possible. Et on ne sait pas quand commenceront les travaux ni combien de temps ils dureront.
Pour limiter la pollution qui nimbe le Taj Mahal d’un épais brouillard en hiver, le gouvernement de l’état a interdit l’installation d’usines dans une zone autour du monument et la circulation de tous les véhicules thermiques dans un rayon de 500 mètres.

Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, le Taj Mahal a portant été radié de la brochure touristique de l’Uttar Pradesh, sous prétexte que  Shah Jahan était musulman et que le monument ne présente pas la culture indienne, sur fond de tensions communautaires.
« Le Taj Mahal n’a pourtant rien à voir avec la religion ; c’est un symbole de l’Amour et de la quête d’un empereur vers la perfection architecturale » pour Amita Paliwal, historienne à l’Université de Delhi.

Chaque année, entre 6 et 9 millions de visiteurs se pressent aux portes du mausolée funéraire, et parfois jusqu’à 70 000 personnes par jour. Aujourd’hui les autorités envisagent de limiter le nombre de visiteurs à 40 000 et le Taj Mahal a droit lui aussi a un repos hebdomadaire puisqu’il est dorénavant fermé le vendredi.

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