A l’enterrement de Monsieur Henry Chapier, De nombreux amis s’en vont *…

Henry Chapier n’était pas à proprement parler un ami, mais il y a entre nous vingt années de rencontres quasi journalières …
Henry était un pilier de Montparnasse, comme avant lui les grands artistes qui ont fait la renommée du quartier dans les années 30. Habitant rue Stanislas, il commençait sa journée au Sélect, où son assistant Yannick, passait le prendre en voiture. Il avait sa place attitrée, à gauche du bar, légèrement de côté, d’où l’on peut observer toute la salle.

C’est ainsi que se créent les rapprochements, ces habitudes fidèles qui s’épanouissent avec le temps en relations de partage privilégiées : quelques dîners au restaurant, une invitation au cinéma l’Arlequin lors de la rétrospective de ses films (il en a tourné quatre), une dédicace de son dernier livre, paru en 2012. C’était un homme joyeux, élégant, un intellectuel aux allures de dandy, une de ces personnes rares dont l’érudition était extraordinaire et l’avis écouté.

Nous avions déjà enterré ses parents ; lorsque ses amis qui ont organisé ses funérailles m’ont appelé, je me suis senti investi de la mission d’accompagner Henry une dernière fois. Avec mon équipe, nous avons passé une semaine à organiser la cérémonie selon les instructions très précises qu’il avait laissées : une célébration catholique à l’église Notre Dame des Champs avec un frère dominicain, et la présence d’un rabbin au cimetière du Montparnasse.

Evidemment, il y avait beaucoup de monde à l’église en ce 4 février : Philippe Tesson avec qui il avait collaboré, Christophe Girard, adjoint à la maire de Paris chargé de la culture, des cinéastes, de nombreux photographes (il a co-créé en 1978 la Maison Européenne de la Photographie qu’il a présidé entre 1996 et 2017) et des artistes comme Charlotte Rampling, qui a dit en s’adressant à lui : « je ne ressens que la joie de t’avoir connu. Je t’ai rencontré en arrivant à Paris dans les années 70 et tu es resté mon ami ».

Ses amis, qui l’ont accompagné au cimetière, ont été accueillis sur l’air de « j’me présente, je m’appelle Henri ».  « Le chanteur », la chanson de Balavoine troublait le silence qui enveloppe généralement les tombes. C’était son idée, pas négociable. Il aimait la musique techno, aller danser, s’amuser, avec ses cheveux gris en bataille et son air d’éternel adolescent, sans souci des conventions ni de son âge.

Le fameux Divan, avec Simone Veil

Ainsi était Henry, arrivé en France en 1947 pour fuir la Roumanie.  Brillant, polyglotte (il parlait 7 langues) … de sensibilité aussi bien catholique que juive, il s’est fait tout seul pour devenir cet homme de culture, avide de rencontres et tellement curieux des autres qu’il en fit une émission de télévision, le Divan, qui l’amena à recevoir pendant 7 années plus de trois cents invités. Henry Chapier repose maintenant au cimetière du Montparnasse. Nous avons fait de notre mieux pour être fidèle à cet homme exceptionnel.

* Pour paraphraser le poème de Jacques Prévert : « chanson des escargots qui vont à l’enterrement », lu lors de la cérémonie religieuse

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